Textes à méditer et Prières

Nous transformons les gestes en épopées, les échecs en tragédies, les différences en abîmes. Nous exagérons par peur du vide.

C'est comme si la vie, dans sa simplicité, ne nous suffisait pas : nous devons magnifier, dramatiser et exalter ce qui pourrait être simplement humain.

Dans la figure du héros, nous projetons le désir de transcendance, celui qui incarne la perfection que nous ne pouvons soutenir. Mais, en les gonflant, nous finissons aussi par les déshumaniser, exigeant d'eux une pureté qu'aucun être humain ne possède.

Nous ne supportons pas leurs erreurs, car nous refusons que même ceux que nous admirons aient des défauts. Le héros exagéré révèle notre difficulté à composer avec la normalité.

Avec nos ennemis, nous faisons l'inverse : nous les transformons en monstres. L'exagération est ici commode, car elle nous empêche de reconnaître les similitudes gênantes.

Il est plus facile de croire que le mal est radicalement différent que d'admettre qu'il imprègne aussi notre condition. Diaboliser est une façon d'échapper à ses responsabilités.

Enfin, la plus grande exagération réside peut-être dans notre propre importance. Nous nous plaçons au centre de l'histoire, comme si le destin de l'univers dépendait de chaque pas humain. Nous oublions que nous ne sommes qu'un infime fragment au milieu de milliards d'années d'existence.

Cette exagération se manifeste par la vanité, par l'empressement à laisser sa trace, par le refus d'accepter la fugacité.

Le défi est de trouver le juste équilibre. Reconnaître la valeur de quelqu'un sans la transformer en mythe, identifier ses défauts sans les transformer immédiatement en monstres, percevoir sa singularité sans exagérer sa centralité.

Il ne s'agit pas ici de nier la pertinence de l'expérience humaine, mais de la situer comme grande par sa capacité à créer du sens, petite face à l'immensité du cosmos, de l'univers.

Apprendre à vivre sans les exagérations qui nous aveuglent, en valorisant l'humanité telle qu'elle est : imparfaite, vulnérable, transitoire, ni dieux ni démons, juste des humains qui tentent de survivre.

Pourquoi pas ?

Gustavo Freire